Voici le témoignage de Hope N., maman d’une petite fille.
Quand
je suis tombée enceinte, j’étais sûre que je voulais accoucher à
la maison de façon naturelle et que je voulais allaiter mon enfant.
Je suis l’ainée de quatre enfants et j’ai pu être présente à
l’accouchement à domicile de ma plus jeune sœur quand j’avais
huit ans – une expérience qui m’a beaucoup marquée. J’avais
tout préparé dans ce sens mais comme dit le dicton juif « l’Homme
planifie, Dieu rit ». Suite à une pré-éclampsie*, j’ai
accouché par césarienne en urgence à 38 semaines et même si je
savais que j’avais tout fait pour préserver la santé de mon bébé
et de moi-même, je me sentais profondément en échec. Pendant toute
la grossesse, on m’avait dit « Fait confiance à ton corps.
Ton corps saura quoi faire. » Mais mon corps n’avait pas
assuré. Sans la médecine moderne, je n’aurais probablement pas
survécu à l’accouchement !
Du
coup, je ne faisais plus confiance à mon corps pour faire du lait
pour mon enfant non plus. J’étais convaincue de ne pas être
capable et le discours d’autres personnes ne m’a pas beaucoup
aidé. Plusieurs infirmières à l’hôpital m’ont dit qu’à
cause de la césarienne, le lait ne viendrait pas tout de suite,
qu’il faudrait certainement compléter avec de la formule**. De
l’autre côté, je lisais que plus je complétais avec la formule,
moins je produirais. Puis on me disait que le stress réduisait la
production aussi et j’étais dans une des situations le plus
stressantes de toute ma vie ! Le pédiatre de l’hôpital m’a
fortement déconseillé l’allaitement « le sein est traitre,
madame, on ne peut pas mesurer combien boit l’enfant ! »
Et pour couronner le tout, l’allaitement me faisait mal. J’avais
des crevasses et c’était « pas normal ». C’était
sûr. Je n’allais pas y arriver.
L’obstétricien
qui a fait la césarienne est venu vérifier la cicatrice et m’a
trouvé en larmes. Quand je lui ai dit que j’avais peur de ne pas
pouvoir allaiter car le lait ne viendrait pas, il m’a gentiment
pris la main et il m’a dit « ne le prenez pas mal, mais vous
n’êtes pas si exceptionnelle ! Le lait viendra, comme pour
tout le monde. » Ma sage-femme m’a rassuré aussi. Elle a
donné des instructions aux infirmières pour qu’elles n’insistent
pas pour donner des biberons et nous avons mis en place un plan car
ma petite perdait du poids et il fallait la nourrir.
J’ai
fait beaucoup de peau à peau. Je ne pouvais pas encore me déplacer
à cause de l’opération, mais je pouvais avoir mon bébé dans mes
bras et je la gardais le plus possible contre moi. La sage-femme m’a
montré comment exprimer mon lait avec mes mains et m’a aidé à
louer un tire-lait aussi. Après chaque tétée, je tirais ce qui
restait et je le donnais à ma fille avec une pipette, puis si elle
mangeait tout je lui proposais un peu de lait industriel (toujours à
la pipette) pour rassurer les infirmières sur son poids. Après une
journée comme ça, ma fille a bien pris du poids et a refusé la
formule car elle était bien rassasiée.
Deux
semaines après, j’ai vu une consultante en lactation qui m’a
beaucoup aidé à avoir confiance et m’a conseillé de voir une
ostéopathe car ma fille avait la mâchoire serrée quand elle
tétait. Effectivement, cela a soulagé la douleur. En vrai, je
n’avais pas du tout de problème de production de lait mais j’ai
mis du temps à y croire ! Je n’avais pas particulièrement
prévu d’allaiter longtemps mais c’était de plus en plus
agréable ; et puis j’étais moins angoissée et cela ne
faisait plus mal. J’ai trouvé le réseau de La Leche League et
j’allais à des réunions avec d’autres mamans qui allaitaient et
qui donnaient toujours de bons conseils, du soutien et de l’empathie.
Mon bébé était toute ronde et heureuse – et je me sentais bien
aussi ! Nous avons pas mal voyagé quand ma fille était bébé,
allant même jusqu’en Australie quand elle avait 6 mois, et avec
l’allaitement, c’était tellement simple. Je me souviendrai
toujours du regard horrifié de l’agent de sécurité à l’aéroport
quand il m’a dit « Allez-y sortez tous les biberons, les
compotes, etc. » et je lui ai dit, « Non, j’ai rien »,
« Rien ?? » « Enfin j’ai tout ce qu’il
faut ici », en désignant mes seins. Le pauvre a eu du mal à
s’en remettre.
Notre
aventure d’allaitement s’est terminée quand ma fille a eu 2,5
ans. 8 mois plus tard, je produis toujours quelques gouttes de lait.
Pas trop mal pour un corps qui ne savait pas comment faire !
*
La pré-éclampsie est une maladie caractérisée par
l’association d’une hypertension artérielle accompagnée d’une
apparition exagérée de protéines dans les urines et d’oedèmes.
**
NDLR : ce qu’Hope nomme « formule » correspond à
ce que l’on entend par les substituts du lait maternel, « formula »
en anglais, autrement dit les laits de préparation pour nourrissons.