Est-ce que je propose un sein ou les deux ? Dois-je stimuler mon bébé s’il s’endort pendant que je l’allaite? Est-ce que je le nourris trop ? Et s’il avait encore faim ?
A la naissance de ma fille, toutes ces questions se bousculaient dans ma tête. Ce que j’avais lu sur l’allaitement me semblait déconnecté de la réalité de ce bébé là. Je ne savais pas comment m’assurer qu’elle avait assez tété, et l’énorme responsabilité de nourrir moi-même mon enfant me donnait le vertige. Panique à bord.
Après avoir voulu m’agripper aux conseils théoriques pour « bien faire », j’ai fini par les laisser de côté et j’ai plongé toute entière dans cette perte de repères : pas de rythme jour-nuit, pas d’horaire fixe, pas de biberons gradués, pas de nombre de tétées régulier,… J’étais complètement sous l’eau et ce lâcher prise abyssal m’a permis de contacter une autre forme de savoir : celui qui passait par l’observation, l’écoute, l’intuition, le ressenti, et aussi le bon sens.
Mon corps et mon cœur se sont mis en éveil (et aussi mes hormones !), ma tête en sourdine, j’ai commencé à décrypter le langage du corps de mon bébé, et j’ai fait confiance à notre duo.
Chacune à leur manière, mes filles ont su se nourrir suffisamment : ma fille aînée tétait de nombreuses petites fois dans la journée, ma seconde préférait les grandes tétées plus espacées.
De la même façon, chacune à leur manière, elles ont développé des signaux clairs lorsqu’elles étaient repues. J’ai une image encore très vivace de ma fille aînée, qui à quelques semaines de vie se détachait du sein avec intensité, jetait sa tête en arrière, bouche entr’ouverte et lèvres nacrées, endormie comme une bienheureuse, ostensiblement repue.
Ma seconde fille, elle, me signifiait la fin d’une tétée en remplaçant mon sein par son petit pouce. Elle avait un fort besoin de succion, certes, mais elle était rassasiée.
A la fin de chaque tétée, nous avions chacune fait notre part : j’avais identifié les signaux de faim et répondu aux besoins de mes filles, qui m’envoyaient à leur tour un signal évident qu’elles avaient terminé.
J’avoue avoir tenté plusieurs fois de « contrôler » l’appétit de mes filles, quand ma tête voulait reprendre les rênes. J’étais alors déconnectée de mon cœur, et je sentais une petite tension en moi.
Je me souviens d’un soir où j’allais confier ma fille à mon mari. Elle avait un peu moins d’un an. La mère nourricière en moi se réveillait anxieusement : j’étais très inquiète de partir sans lui avoir donné le sein. J’ai pris mon enfant sur les genoux et lui ai proposé – imposé, presque – de téter. Ma fille n’avait pas faim. Elle a tout simplement tourné la tête devant ce superbe sein généreux et abondant qui s’offrait à elle et a glissé de mes genoux pour reprendre ses jouets. J’avais compris le message : j’allais devoir composer moi-même avec mes propres angoisses. Ma fille quant à elle, contactait parfaitement sa sensation de satiété !
Au final, pour savoir si mon bébé était rassasié, j’ai d’abord fait l’effort de m’approprier la théorie puis j’ai laissé place à la singularité de mon enfant : je lui ai fait confiance, j’ai déchiffré ses signaux de faim et de fin de tétée, et nous avons effectué ensemble la danse qui nous correspondait parfaitement.
Pour chaque bébé une danse unique. Et pour chaque bébé, la joie de ses joues de plus en plus potelées.
[Auteure] : Claire, maman de Pia et de Lou.