QUAND TOUT NE SE PASSE PAS COMME ON LE PENSAIT

Voici le témoignage de Laurette, maman de deux garçons.

Je n’ai jamais fait partie de ces filles qui, très tôt, envisagent la maternité comme une évidence, qui savent avec évidence qu’elles veulent des enfants. Pourtant lorsque j’ai rencontré mon ami, ça a été une évidence ; pour lui comme pour moi.

Un an après, j’étais enceinte. J’ai malheureusement fait une fausse couche au bout de 2 mois et ça a été un gros choc émotionnel pour nous deux. Après beaucoup de pleurs et quelques mois de patience, je suis retombée enceinte. Nous étions fous de joie et je me sentais bien, j’avais une confiance absolue en mon gynéco et je laissais venir les choses naturellement, sans peurs ni appréhensions.

Concernant l’allaitement, je n’avais rien prévu. J’avais des retours divers : ma sœur, pour qui ça n’avait pas marché ; ma belle-sœur qui avait allaité ses 2 enfants et qui avait adoré ce moment. Je verrais bien le moment venu.

Vers le 5ème mois de grossesse, mon gynéco m’a dirigé vers une sage-femme avec qui il avait l’habitude de travailler. Les 1ers rendez-vous se sont très bien passés, elle était douce, rassurante. Mais quelques semaines plus tard quand elle a su que le bébé avait une grosse tête et qu’il était toujours en siège (et donc que j’accoucherai a priori par césarienne), elle s’est complètement désinvestie de l’accompagnement. Elle ne m’expliquait plus rien, était vague dans ses réponses… Résultat, je suis arrivée à l’hôpital sans être vraiment préparée à ce qui allait se passer. Mais le matin de l’accouchement, en arrivant à la clinique, je me sentais quand même confiante et sereine car je me savais entourée de mon gynéco et de cette sage-femme.

Une fois le bébé sorti, on me l’a posé sur la joue, je l’ai embrassé, il était magnifique et j’étais tellement heureuse. Mais quand, après nos soins réciproques, on m’a ramené le bébé pour que je lui donne le sein, j’étais allongée (complètement à plat je me rappelle, sans doute à cause de la césarienne), et impossible de le tenir dans mes bras, et d’un coup j’ai eu très peur. C’était comme si, à cet instant précis, je réalisais que ça allait être difficile, moi qui jusque-là pensais que tout allait se faire naturellement, instinctivement… quelle déconvenue !

Une fois remontée dans ma chambre, j’ai regardé mon bébé dans son petit berceau et j’ai eu très peur, peur de cette responsabilité qui était maintenant la mienne. Une sage-femme est venue pour la mise au sein et je la revois, sur le pas de la porte de ma chambre, elle me disait de loin et sans aucune empathie comment mettre le bébé, de le replacer, mais ça ne marchait pas, et c’était très douloureux. Le bébé pleurait beaucoup, et moi aussi…

Le lendemain, la même sage-femme, voyant ma détresse m’a dit : « Vous pouvez lui donner un biberon, mais si vous le faites, c’est fini pour votre allaitement ! ». Sentir son jugement me faisait me sentir encore plus incapable de satisfaire et de rassurer mon bébé. Mon gynécologue, lors de sa visite de contrôle, m’a alors parlé de la seringue comme alternative.

Mais quand je l’ai demandée à la sage-femme (toujours la-même) elle m’a répondu « OK, je vous amène ça, mais nous on ne gère pas ! Ça nous prend trop de temps à expliquer et on ne prend pas la responsabilité d’une fausse route ». J’étais abasourdie, perdue. J’avais le choix entre continuer à donner le sein en pleurant de douleur ou le nourrir à la seringue et risquer de le tuer ? J’ai serré les dents et continué le sein. On m’a alors proposé de voir la psychologue de la clinique, comme pour me rappeler que j’étais coupable, incapable de prendre soin de mon bébé.

Puis est arrivée une autre sage-femme, qui elle était plus douce, plus à l’écoute. C’est la seule personne qui a pris le temps de me remontrer les positions, de m’expliquer comment et pourquoi le bébé devait mettre tout le téton dans sa bouche… je la remercie car, à ce moment là, elle m’a fait beaucoup de bien.

Au bout de 5 jours, je suis rentrée chez moi. Je me sentais mieux, j’avais regagné un peu de confiance en moi grâce à cette sage femme. Du coup, je n’avais pas prévu de lait pour le cas où l’allaitement se passerait mal. Les tétées sont redevenues très vite très douloureuses, et je me rappelle encore de la nuit où j’ai craqué et dit à mon ami « Va acheter du lait ! ». Le pauvre a dû faire 3 pharmacies en pleine nuit pour trouver le lait que l’on m’avait recommandé à la clinique (alors que n’importe quel lait aurait sûrement fait l’affaire).

Le lendemain matin, nous avons loué un tire-lait et j’ai commencé à tirer mon lait pour le donner au bébé au biberon (en réessayant le sein de temps en temps, quand il était détendu). Mais assez vite, j’ai rencontré des difficultés. Parfois, je produisais bien et parfois, ça ne sortait pas. Je passais parfois 3h la nuit à tirer mon lait en espérant que le bébé ne se réveille pas. J’étais épuisée et perdue encore une fois. Bien souvent il se réveillait, buvait un peu, puis je jetais le reste de ma collecte de peur qu’elle ne soit plus consommable. Et puis une nuit, à 5h, ça a été comme une évidence, comme une dissociation, je me suis vue telle une zombie, les yeux tirés, le sein aussi – j’entends encore ce bruit de pompage – et je crois que j’ai lâché prise. Je me suis souvenue que finalement le fait d’allaiter ne comptait pas tant que ça pour moi .

J’ai arrêté de m’acharner et tout est allé mieux. Mon ami était rassuré de me voir aller mieux. Cette expérience m’a fait réaliser que la grossesse, la naissance, l’allaitement… c’est un vrai cataclysme émotionnel.

J’étais vulnérable, j’avais perdu tout libre arbitre, je ne me faisais plus du tout confiance. Je m’en remettais complètement au corps médical et j’attendais d’eux qu’ils m’expliquent tout, qu’ils me guident. C’est sans doute mon côté bonne élève, qui aime bien faire les choses. Mais au lieu d’attendre d’être rassurée par les autres, j’aurais dû m’écouter, me faire confiance car j’avais en moi les ressources pour m’occuper de mon bébé et décider de ce qui était le mieux pour lui.

Aujourd’hui encore, quand je croise une femme enceinte, j’ai envie d’aller lui glisser à l’oreille « Fais-toi confiance, toi seule sait », mais je me retiens de peur qu’on me prenne pour une folle !

4 mois après la naissance de mon fils, je suis retombée enceinte. Très vite j’ai décidé que je ne retenterai pas l’allaitement, car je voulais rester disponible pour mon aîné qui n’était encore qu’un bébé.

Le jour de sa naissance j’ai tout de même voulu lui donner la tétée d’accueil et continuer 1 ou 2 jours (temps du colostrum) mais on me l’a refusé en me disant : « C’est soit le sein, soit le biberon ». Quand on m’a apporté les médicaments qui empêchent la montée de lait, j’ai dit que j’allais les prendre mais j’ai attendu, et en cachette, bien installée dans ma chambre, j’ai donné le sein à mon bébé et c’était un moment superbe. Je suis heureuse d’avoir offert à mon fils cette tétée, comme une petite revanche sur le passé.

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