« Je pense que j’ai trop de lait, car j’ai les seins encore très pleins après chaque tétée » ; «J’ai tellement de lait, ça gicle tellement fort, qu’à chaque tétée, mon bébé s’étrangle, il y a du lait qui coule de partout, il quitte le sein et après j’ai du mal à l’y remettre, j’ai un réflexe d’éjection vraiment trop fort ».
La hantise de nombreuses mères est de manquer de lait pour nourrir leur bébé. Pourtant, en dehors de quelques exceptions heureusement rares, l’insuffisance de lait n’est pas une réalité. Peu de monde imagine cependant qu’avoir trop de lait existe et que cela peut devenir un véritable calvaire à vivre au quotidien.
Des tétées angoissantes : les signes d’une surproduction de lait
Le nourrisson submergé par un trop plein de lait s’étrangle, tousse, quitte le sein en hurlant, se raidit tête en arrière, se cambre, s’agite sur le sein. Il souffre parce qu’il a des rots douloureux, il a des gaz malodorants, il émet des selles vertes. La mère perçoit chaque tétée comme une lutte. Des crevasses, engorgements fréquents et mastites peuvent apparaître alors que le premier mois n’est pas encore écoulé. La mère a le sentiment que ses seins ne se vident pas. Elle ressent un inconfort permanent ; elle a des zones sensibles au toucher et peut même ressentir de vives douleurs dans le sein lors du début de tétée. Les fuites sont constantes et abondantes.
Une « bonne fée », souvent une consultante en lactation, une autre maman allaitante ayant connu cette situation, une sage-femme, ou un pédiatre « éclairé » pourront alors identifier « le trop de lait ». Cette situation jusque là vécue dans l’isolement, la détresse et le doute de mal faire, va soudainement trouver écho dans des témoignages similaires. Grâce à des échanges de savoirs et techniques adaptés, la mère et son bébé pourront à leur tour retrouver une certaine confiance et une sérénité.
Chaque jeune mère a des seins programmés pour nourrir un peu plus que le nombre d’enfants qu’elle a portés. La plupart du temps, la production des premières semaines est supérieure au réel besoin du ou des bébés. On parle de surproduction temporaire aux démarrages. Cette situation est dite autolimitée et dure de 3 à 6 semaines au cours desquelles plusieurs facteurs déterminent la production de lait : la fréquence des tétées, la quantité prélevée par l’enfant ou exprimée ;1 la coordination et la maturité de la succion qui s’améliorent au fil du premier mois.2 Cette phase du postpartum représente une période décisive où l’on peut très nettement augmenter sa production ou la diminuer dramatiquement si les seins ne sont pas assez vidés.
Des facteurs prédictifs d’une surproduction durable
Il n’y a pas de lien évident entre la surproduction et la taille des seins. Les seins produisent en permanence, et leur capacité de production et de stockage sont individuelles et variables d’un sein à l’autre. 3 L’hyperproduction peut parfois persister qu’elle soit associée ou non à un réflexe d’éjection fort. Les causes principales non exhaustives sont :
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La sur-stimulation des seins par peur de manquer de lait.
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La prise de certains médicaments, comme les antiémétiques indiqués dans le traitement du reflux de la mère.
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Certaines maladies dont la plus connue est le prolactinome,
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L’allaitement antérieur de jumeaux quand la production était déjà importante
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Le co-allaitement d’un nourrisson et d’un bambin.
Les six premières semaines post-partum
Durant les 6 premières semaines après la naissance de l’enfant, il convient de ne pas chercher à influer physiologiquement ou médicalement sur la production, ni sur l’éjection du lait. On pourra se soucier de moduler plusieurs paramètres pour que mère et enfant vivent mieux les choses. Contrairement à ce qu’on pourrait imaginer, on ne refusera pas de donner le sein de peur d’entretenir la surproduction car allaiter pleinement et fréquemment participe à résoudre l’engorgement, facilite les tétées, et de fait, permet de calibrer la production.
Afin de gérer le réflexe d’éjection fort (avec ou sans hyperproduction) :
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Recueillir le lait de début de tétée, celui qui jaillit le plus violemment (jusqu’à ce que le sein soit bien souple).
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Laisser couler l’autre sein pendant la tétée.
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Privilégier une position d’allaitement où la mère est inclinée en arrière 4 pour atténuer la puissance du jet de lait, permettre de laisser s’écouler le surplus de lait sans risque d’étouffer bébé.
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Ou installer l’enfant assis « droit », à califourchon sur une cuisse ; la tête de l’enfant très légèrement en arrière.
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Utiliser un bout de sein (avec accompagnement) qui diminue la violence du flot.
Afin de gérer l’hyperproduction :
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Prélever des quantités plus importantes de lait avant la tétée. Le résultat sera très vite visible, la couleur jaune des selles sera indicatrice de la présence de graisses en un taux acceptable pour la croissance et la digestion de bébé.
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Soulager l’autre sein, pour éviter qu’il ne soit trop tendu.
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Ne pas hésiter à exprimer du lait de façon à ce que les seins restent confortables pour la maman.
Lorsque le bébé a 6 semaines (ou plus)
En présence d’une surproduction, on conseille de donner un même sein durant une plage horaire donnée (souvent 3 h parfois 6 voire 12h), puis de donner uniquement l’autre sein durant la plage suivante. Cette méthode s’appelle le « block-feeding » et nous avons conservé cette appellation en France. La production locale ralentit et diminue alors physiologiquement. Il est donc important de porter un soin particulier au sein le moins souvent sollicité, de le soulager en exprimant une quantité de lait suffisante pour un ressenti confortable.
Une autre solution, très proche de ce qui précède, est la méthode du « drainage complet ». Il s’agit de vider totalement les deux seins à l’aide d’un tire-lait double-pompage de préférence et donner les deux seins immédiatement après puis « mettre de côté » l’un des seins durant 3 heures minimum. On proposera l’autre sein sur la plage horaire suivante5 et ainsi de suite jusqu’à sentir une amélioration de la gestion des quantités disponibles.
En outre, les médecins peuvent prescrire des médicaments visant à diminuer la production de lait. Attention cependant, en dehors de prescrire du Parlodel en cas avéré de prolactinome, le prescripteur pourra préférer les plantes, l’homéopathie et non un « coupe-lait ».
L’hyperproduction et le réflexe d’éjection, sont deux véritables problèmes qui ne vont pas forcément de pair. Ils se gèrent par l’essai de différentes techniques visant à réduire les inconforts du démarrage de l’allaitement durant les 6 premières semaines postpartum, et ce n’est qu’après cette période que l’on pourra envisager d’autres méthodes visant à réellement diminuer la production de manière à laisser le temps au corps de s’adapter et faire son travail de manière naturelle.
Savoir s’entourer « de bonnes fées » dans cette période-là est primordial et permet de prendre du recul face à nos questionnements et doutes vis à vis d’une situation inconfortable. Parfois une simple conversation téléphonique auprès d’un professionnel averti et / ou d’une personne disponible et bienveillante pourra nous remettre sur la bonne voie et nous encourager à poursuivre plus sereinement. Une fois le problème d’hyperlactation pris en charge, la plupart des dyades mère-enfants retrouvent un allaitement plus serein et agréable ; fidèle à leurs attentes. N’ayez donc crainte, et reprenez confiance en vos capacités vous verrez que ces épisodes seront bientôt classés dans les tiroirs à souvenir et que le meilleur est à venir ou pas !
Bon allaitement !
1 (Daly, & Hartmann, 1995)
2 (Riordan)
3 Short-term synthesis and infant- regulated removal of milk in lactating women, Daly, Owens & Hartmann 1993 Exp Physiol (1993), 78, 209-220).
4 Susanne Colson et la position dite du Biological Nurturing pour atténuer la violence du jet de lait, du fait de la gravité terrestre
5 Un article décrivant cette méthode a été publié dans les Dossiers de l’Allaitement n° 77 par CGA van Veldhuizen-Staas alors consultante en lactation aux Pays-Bas (Overabundant milk supply : an alternative way to intervene by full drainage and blockfeeding. CGA van Veldhuizen-Staas. Int Breastfeed J 2007 ; 2 : 11
[Auteure] : Françoise Coudray, consultante en lactation IBCLC, formatrice et conférencière, Françoise Coudray est également la présidente fondatrice de l’A.D.J.+
[Biographie] : A la naissance de ses jumeaux, Françoise Coudray a quitté le monde de l’industrie (biochimie-nucléaire) pour se consacrer à ses enfants. Entrepreneuse dans l’âme, elle est à l’initiative de l’association nationale dédiée aux familles de multiples ADJ+ (Allaitement Des Jumeaux et Plus); http://www.allaitement-jumeaux.com.
Depuis, 2000, elle intervient auprès de professionnels de santé pour les former, les informer en matière d’allaitement maternel en général, tout en donnant des conférences dédiées à l’allaitement et en continuant son activité bénévole auprès des mères de jumeaux. En 2006, elle obtient le diplôme de consultante en lactation IBCLC et développe un nouveau service : C-LA-FAM (Consultations de Lactation Formation à l’Allaitement Maternel), son association devenant alors un organisme de formation professionnel. Depuis 15 ans, elle prend en charge toutes les (futures) mamans qu’elles aient des jumeaux ou pas.
Bonsoir,
Tout d’abord merci et félicitations pour ce blog. C’est un précieux recueil d’information, d’aide et de motivation!
Ce dernier article a particulièrement retenu mon attention car je me retrouve dans ce cas. Ma 2ieme fille qui va avoir 1 mois demain se retrouve beaucoup plus genée que la 1 er par ce trop plein de lait. Enfin, je pense que c’est cela.
Tout d’abord elle n’a pas pris énormément de poids pendant 2,5 semaines, seulement 130g par semaine. Ensuite, ses selles sont très oranges carotte, je ne comprends pas pourquoi! Lorsqu’elle tête , je ressens au moins 2 ‘montée de lait’ ce qui l’agace fortement avec pleurs et agacement sur le sein en le prenant et le relâchant, crachant le lait…car elle souhaite à la fin s’endormir en tétouillant mais malheureusement impossible car le lait ne s’arrête jamais. Je crois que je n’ai jamais eu un sein vide après une tétée avec aucune des 2 pour le moment. Du coup, je culpabilise car le seul moyen de répondre à son besoin c’est la sucette car sinon c’est vomissement, trop plein, régurgitation.
Je n’ose exprimer mon lait car je me dis que je vais en produire encore plus…je ne sais pas trop comment aborder le problème pour répondre mieux aux besoins de ma fille.
Merci d’avance
Bonjour Marie,
Comme indiqué dans l’article, de changer de position peut déjà aider votre bébé à gérer le flot de lait trop important.L’idéal c’est qu’elle ait la tête en face ou au dessus du sein .
Votre bébé a un mois, votre corps va encore faire des ajustements par rapport à votre production. Si le problème persiste après les six semaines de votre enfant, vous pouvez, sous surveillance d’un professionnel en lactation, donner le même sein trois à quatre heures de suite, ça aidera la production à diminuer mais attention cette méthode est quelquefois trop radicale !
Dans tous les cas, pour vous aider au plus près et rapidement je vous conseille de voir un professionnel de la lactation ( consultante, sage-femme ou puéricultrice) .
Bonjour,
Après avoir longuement lu et profité de la plupart des articles extrêmement bien conçus de ce site, je me décide à poser ma question.
Maman d’un fils de 6 semaines, je pense faire partie des “bonnes laitières”, mais j’avoue que cela ne me dérange pas trop, pour les raisons suivantes :
– je tire déjà beaucoup de pré-lait avant chaque tétée pour tenter de soulager mon fils des coliques carabinées. Ça fonctionne dans la mesure où ses selles sont désormais jaunes, par contre il a toujours aussi mal. Mais cela empêche d’avoir ce trop plein de lait dans la bouche
– je préfère quoi qu’il arrive allaiter couchée
– j’utilise des bouts de seins Medela, parce que la forme de mes mamelons et les énormes douleurs l’ont imposé au début, à la maternité. Aujourd’hui, je peux m’en passer quelques minutes voire sur une tétée, mais j’avoue qu’on y trouve tous les 2 notre confort. Les risques habituels liés aux bouts de sein ne me dérangent pas : je n’ai pas eu de baisse de lactation, et après 1 mois à les utiliser à 100%, mon fils n’a pas eu de mal à téter sans.
– je souhaite faire des stocks pour ma reprise de travail, alors autant produire de bonnes quantités
Après un allaitement très compliqué les premières 5 semaines, nous avons trouvé notre rythme de tétées. Elles sont courtes (20min, 30 grand max) et efficaces. Il ne vide jamais complètement un sein (je suis consciente que ça n’est pas physiologiquement possible, mais… disons qu’il en reste toujours) à chaque tétée, et dans la mesure où il n’a peu ou pas accès au pré-lait, il consomme un lait riche et sa prise de poids est bonne.
Cependant, je cherche toujours à soulager mon fils de ses coliques : il a un ventre extrêmement balloné. Nous avons essayé à peu près tout ce qu’on suggère habituellement, allant de l’ostéopathie douce, des massages, de la bouillotte, de l’eau de chaux, des probiotiques, jusqu’au Debridat, Polysilane et Doliprane combinés, avec les avis du pédiatre et de la puéricultrice PMI. L’effet n’est pas flagrant.
Je me demande si le fait qu’il tète très goulument (déglutition à chaque aspiration sur la quasi totalité de la tétée) peut être un facteur agravant de coliques. J’essaye déjà de lui faire faire des pauses et de lui faire faire des rots intermédiaires (bien qu’il ne l’entende pas toujours de cette façon 🙂 ), mais est-ce qu’un tel afflux de lait peut lui causer ces ballonnements très importants ? Si oui, que faire ?
Il faudrait des bouts de sein avec moins de trous au bout, ou des versions comme les tétines de biberons où l’on peut choisir le débit !
Merci pour tout ce que vous faites pour les mamans qui allaitent, et surtout pour celles qui cherchent leurs réponses.
Alex
Bonjour Alex
Effectivement, la façon dont il tète et la façon dont votre lait sort peut influer sur les coliques.Vous faites déjà beaucoup de choses et dans votre cas, les bouts de sein sont une aide.
Est ce que vous prenez des tisanes d’allaitement ? manger du chocolat ? des produits laitiers en grande quantité ?
Tout ceux ci sont des facteurs favorisants des coliques. Je vous conseille vivement de vous rapprocher d’un professionnel spécialisé en allaitement pour vous donner les conseils les plus appropriés à votre cas.
Zut zut zut, j’avais répondu, je venais donner des nouvelles, mais je ne vois pas mon message !! Toutes mes excuses.
– Est ce que vous prenez des tisanes d’allaitement ? oui, en espérant que le fenouil aiderait à la digestion . Erreur donc ?
– Manger du chocolat ? très peu
– Des produits laitiers en grande quantité ? presque pas, tout au plus un peu de beurre et parfois du gruyère râpé
Depuis mon message, les choses ont changé. En plus de coliques avec un ballonnement très important, le pédiatre a (enfin) détecté un RGO que je ne soupçonnais pas car pas de reflux apparent. Il est sous médication avec plus ou moins de succès selon les jours.
Ma lactation a changé, j’ai cessé de produire en permanence pour passer à une lactation autocrine. Cela a eu un inconvénient majeur. Mon fils, habitué à n’avoir qu’à ouvrir la bouche pour avoir du lait, s’est soudain retrouvé à devoir faire un effort (téter) pour avoir du lait. Ça a donné un week-end panique “j’ai plus de lait et rien d’autre à lui donner”, mais avec les conseils de la sage femme le lundi, j’ai tiré le lait qu’il ne buvait pas en fin de tétée et lui ai donné au biberon. C’est très rapidement rentré dans l’ordre et il tète à nouveau, sans l’aide du biberon.
Je pense que toutes les mamans allaitantes rencontrent cette transition, elle est juste davantage visible sur les mamans qui produisaient et stockaient beaucoup de lait !
Aujourd’hui, j’ai hâte que les choses rentrent dans l’ordre au niveau des coliques et du reflux pour que tout aille enfin bien.
Merci pour vos conseils et bonne continuation.
Alex
Bonjour Alex,
oui nous avons eu quelques soucis avec la publication des articles et commentaires du blog, mais tout est rentré dans l’ordre maintenant.
Heureusement que vous avez pu avoir de l’aide autour de vous. 🙂
Bon courage et bonne continuation à vous aussi 🙂
Merci!