La fin d’un allaitement long

Mon allaitement a duré très exactement 3 ans. C’est moi qui ai décidé de l’arrêter et j’ai accompagné mon petit vers le sevrage. Mais cela ne m’empêche pas d’être triste, de ressentir un manque et de la nostalgie pour cette période si particulière et en même temps si naturelle.

Y-a-t-il un moment idéal pour arrêter ? Ai-je le droit d’être aussi triste que ces mamans qui ont subi le sevrage, soit parce que leur bébé l’a décidé, soit en raisons de difficultés ou de problèmes de santé ?

On ne peut pas s’empêcher de ressentir ce que l’on ressent, n’est-ce pas ? Je savais que quel que soit le moment, ce « passage » serait difficile, tôt ou tard. 3 ans m’a paru le bon moment. Ça fait déjà quelques mois que j’y pense. J’en ai parlé à mon petit, en lui disant que ce serait bientôt fini. Il l’entendait, mais n’était pas d’accord, bien sûr. Il tétait moins quand même, ne déglutissait que très peu, c’était devenu plus un rituel, un moment complice, que nutritif. Je pense que sur la fin il tétait volontairement d’une façon à ne pas provoquer la montée de lait. Quelqu’un a du lui dire, moi peut-être, que quand il aurait 3 ans ce serait fini, plus de tétées. Il l’a retenu, à chaque fois que, la date approchant, on lui parlait de son anniversaire, qu’il aurait bientôt 3 ans, il répondait « la tétée, c’est fini ».

J’avais bien déjà essayé d’arrêter, un soir, peut-être un peu lasse, voulant accélérer le temps du coucher, je lui ai dit, que le lait était devenu vieux, du « vieux lait ». Ce fut un échec, il m’a réclamé les jours suivant les tétées « violet » ! Et je ne voulais pas finir sur une image négative de l’allaitement, qu’il retienne que le lait n’était pas bon. Son inconscient aurait pu garder cette image et ternir ce souvenir, voire lui envoyer l’image que l’allaitement c’était mauvais et qu’il dissuade la future mère des ses enfants d’allaiter ! Bon, là, oui, j’ai un peu dramatisé, n’est-ce pas ? Je m’en suis quand même voulu d’avoir eu cette idée saugrenue.

Vint le fameux jour des ses 3ans. Je n’avais rien anticipé, emportée par le tourbillon de mille choses à penser sans cesse. Le matin, on a fait une tétée, comme d’habitude. C’est le soir que je me suis dit qu’il ne fallait pas manquer cette occasion, qu’il s’y était préparé. Au moment de la tétée, je lui ai proposé une histoire et j’ai ensuite enchaîné sur le rituel du coucher. Il n’a pas réclamé la tétée. Mais il s’est relevé plus tard, et a demandé à téter. Je lui ai dit qu’on ne pouvait plus, que c’était fini. Il n’a pas pleuré, il a plutôt sangloté mais c’était comme si il s’attendait à cette réponse. Il s’est malgré tout réveillé dans la nuit, a encore réclamé, sangloté,ce fut plus dur de refuser mais je me suis dit que si je cédais, il faudrait tout recommencer et que ce serait à chaque fois plus dur pour lui.

Le matin, mon mari me dit que d’arrêter d’un coup, c’était un peu dur quand même, non ? Et c’est ce que je me disais aussi : «  Quelle magnifique cadeau d’anniversaire je viens de lui faire, mais quelle horreur ! Il va associer anniversaire et perte affective. Quelle mauvaise mère je suis, je viens de gâcher le souvenir de 3 belles années d’allaitement… ».

Ici je remercie une des mes collègues qui m’a dit, que vu de l’extérieur, j’avais fait un sevrage idéal :Je m’étais préparé, je l’avais préparé, j’ai remplacé la tétée par un autre moment complice (lire une histoire, que j’avais fait exprès de ne pas encore inclure dans le rituel du soir, pour remplacer la tétée).

J’ai trouvé auprès de mes collègues une écoute qui m’a permis de parler de ma culpabilité et de mon sentiment de perte, peut-être plus facilement qu’avec mon mari, qui m’a toujours soutenu et accompagné , mais malgré sa bonne volonté, ne peut pas se mettre à ma place.

Quelques jours ont passé, j’ai tenu bon, il réclamait chaque matin et chaque soir, mais on sentait qu’il tentait sa chance, tout en sachant que ce n’était plus possible.

Je n’ai pas eu d’engorgements, ni aucun phénomène de ce genre, preuve qu’il avait déjà bien diminué les quantités.

Le week-end suivant, mon esprit tournait autour du sentiment d’avoir besoin d’un rituel de fin, de marquer ce passage, en commun avec mon conjoint. Pas des remerciements, j’en ai eu bien assez par tous ces beaux moments partagés, mais je n’avais pas encore bien défini ce dont j’avais besoin et n’en avait donc pas parlé. Et puis l’autre matin, mon petit qui s’approche de moi. J’ai pensé qu’il allait demander une tétée. A la place il plante son regard dans le mien et me dit: «Merci pour la tétée, maman».

Depuis, il n’a réclamé qu’une seule fois. Je reste un peu vide, mais c’est normal, c’est encore récent. Mais ce moment restera comme une belle fin, et je sais maintenant qu’il était prêt, peut-être plus que moi.

En tout, j’aurais allaité 6 ans ( 7 mois, 1 an, 18 mois et 3 ans). Cette période est finie, mais je suis fière d’avoir pu donner cette part de moi à mes petits.

[ Auteure ] : P.  une conseillère en lactation de Grandir Nature

12 réflexions sur « La fin d’un allaitement long »

  1. Bonjour,
    Votre témoignage m’a touchée car j’ai arrêté d’allaiter ma fille il y a 10 jours, comme vous du jour au lendemain après l’avoir préparé.
    Comme vous j’ai failli cédé, comme vous j’ai tenu bon, comme vous je suis chamboulée de tourner la page de ces beaux moments.
    Je suis heureuse d’avoir pu offrir à ma fille le meilleur des laits et je continue à prêcher autour de moi pour que davantage de femmes puissent être dans la même démarche.
    Nous partagerons des milliers d’autres moments de complicité avec nos enfants 🙂
    Bien à vous,

  2. Bonjour, et merci.
    Heureuse de lire ces lignes.
    Ma fille a 11 mois et je souhaite arrêter l’allaitement vers ses 1 an. Déjà fière d’être arrivées jusque là !
    Je me dis que je pourrais continuer , encore… Mais je ressens aussi le besoin de me retrouver, d’avoir le loisir de la laisser en garde une nuit… ( Le tire lait, j’ai déjà donné lol)
    Donc pour ce dernier mois, je “limite” les tétées et je lui explique. Une larme à l’oeil…

  3. Bonjour,
    Votre témoignage me touche beaucoup. Mon petit a 2,5 ans et je l’allaite toujours, matin et soir. Et parfois la nuit quand il vient réclamer une tétée de réconfort. Comme vous, sur certaines tétées, je ne sens plus le côté nutritif mais plus de réconfort, de retrouvailles.
    Je ne suis pas encore au stade de la limite : jusqu’à quand je voudrai/pourrai ? il voudra? Mais c’est sûr que l’entourage me fait de plus en plus de remarques du style : “il tète encore sa maman? Mais c’est un grand maintenant, il n’a plus besoin! ”
    Depuis le temps, j’ai appris à fermer mes oreilles et de n’écouter que moi et mon petit. C’est notre moment à nous et tant qu’il me réclame, je continue de lui en donner. 🙂 On verra quand le moment devra arriver…

  4. Merci pour ce témoignage.
    Personnellement j’ai allaité 3 ans et demi et j’ai attendu que ça s’arrête naturellement. j’ai eu des périodes de ras le bol. Mais je ne regrette pas d’avoir fait confiance à ma fille et à la nature. Je pensais n’allaiter que deux ans et j’ai eu des craintes que ça n’arrête jamais. Mais je n’ai aucun regret.
    C’est comme le pouce : j’ai craint qu’elle n’arrête jamais. On y a travaillé, ça a pris du temps mais elle a finit par y arriver par elle-même avec un peu de notre aide.

  5. Bonjour et merci pour votre belle histoire. J’ai voulu faire comme vous à l’anniversaire de ma fille (de ses quatre ans). Au départ ma fille était bien d’accord d’arrêter (pour être une grande de quatre ans). Mais le soir au coucher elle s’est mise a pleurer : “Maman c’est trop dur”. Je n’ai pas tenu, elle n’était pas prête et je souhaiterais un sevrage ‘non-forcé, non -violant’ si cela existe… Nous sommes maintenant deux mois avant son cinquième anniversaire et il semble que le moment est arrivé: après avoir passé un week-end chez son père ma fille me fait mal en tétant, la tété est devenu insupportable pour moi. Et il semble ne plus avoir du lait (la production n’arrive pas à reprendre après le weekend). Ma fille est triste mais j’ai l’impression qu’elle comprends mieux qu’il y a un ans. Nous avons souvent parlé de se moment là, de la fin – et qu’il allait forcément arriver (bientôt). J’aimerais maintenant, que la nature a visiblement décidé de la fin de cette longue période d’allaitement, pouvoir proposer à ma fille un rituel, une petite fête, un moment que pour elle et moi en fin de clôturer cette belle période. Peut-être qu’il existe (dans d’autres cultures) des rituels spécifiques?

    1. Bonjour
      merci pour votre témoignage. C’est une très bonne idée que d’organiser cette petite “fête “, je n’ai pas de connaissance sur des rituels dans d’autres cultures mais pour ne pas inventer le vôtre ? 🙂
      Si d’autres mamans ont des idées, n’hésitez pas à nous en faire part 🙂
      Je me permets également de partager votre questionnement sur notre page Facebook pour avoir plus d’avis. 🙂
      Voici le lien pour la retrouver : https://www.facebook.com/leblogallaitement/

    2. Bonsoir,

      Merci pour la question. Je sens la fin de l’allaitement arriver depuis quelques semaines et je cherche un rituel de fin. J’ai contacte « L’art de naître » en Haute-Savoie qui propose un rituel avec photos mais j’attends encore la réponse et ce soir il n’a pas réclamé la tétée …il est prêt moi moins . Je ne savais pas du tout si j’allais allaiter….au tout début je n’avais aucune idée du temps, je m’imposais rien et au final je me suis dis que j’allais essayer 6 mois. Il a 2 an et demi et c’est moi qui semble moins prête que lui au sevrage

      1. Bonjour Emilie,
        merci beaucoup pour votre témoignage. effectivement quelquefois c’est plus difficile pour maman que pour bébé. Concernant le rituel, cherchez le vôtre c’est celui qui vous conviendra le mieux . 🙂

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