Vers la position instinctive de la tétée (le crawl, 2ème partie)

Dans un billet précédent, nous avons vu quel enchaînement peut se dérouler naturellement juste après l’accouchement et comment le bébé peut aisément prendre le sein. Nous voilà de retour en chambre. Des problèmes surgissent. A quoi sont-ils imputables ? A l’inconfort du lit ? A l’image sociale du positionnement quand on allaite ? Aux visites ? Toujours est-il que l’heure de la tétée arrive et la maman s’assoit droite. Et c’est là que démarrent les difficultés. Voyons comment la « stabilisation » et la « géolocalisation » vont pouvoir vous aider. Ces astuces sont valables pour toutes les positions où vous êtes assise droite : madone, madone inversée, ballon de rugby, à califourchon et où vous êtes allongée sur le côté.

L’assise peut être problématique

Etre assise droite nous empêche d’avoir notre enfant dans une position qui favorise le crawl. Nous devons alors l’allonger sur un de ses côtés, et le placer à l’horizontale, ou en oblique. Ce qui fait de nous les seuls mammifères à horizontaliser

leurs bébés, soit dit entre nous ! Cela peut s’avérer douloureux en cas de sutures (épisiotomie, déchirures) ou d’hémorroïdes. Notre corps est soumis à des contraintes : nous devons faire des efforts pour garder cette posture tout au long de la tétée, et tenir/retenir l’enfant. La gravité terrestre devient notre ennemi qui entraîne une fatigue musculaire dans notre dos, notre cou et nos bras.

Si vous vous relâchez, votre enfant peut vous envoyer des messages « tiens-moi mieux, je ne peux pas passer à table ». En outre, l’enfant peut se cambrer et partir en arrière avant de rebondir contre le sein et s’agiter à nouveau. Cela vous oblige à des efforts musculaires intenses pour le ramener contre vous. Il arrive parfois que dans ces moments d’agitation, le bébé ne parvienne à saisir que ce qui dépasse du sein, à savoir le mamelon ! Et il sert très fort pour ne pas tomber, ce qui occasionne souvent une mauvaise prise en bouche et des blessures.

Assise droite peut donc être très fatigant sur le plan musculaire ! C’est pour ça que certaines utilisent un polochon d’allaitement. Voyons quels repères vous permettent de l’utiliser à bon escient.

Stabilisation

Lorsque vous vous asseyez droite, vous devez tenir fermement votre bébé contre vous. Les points de maintien sont l’un au niveau de ses hanches/fessiers, l’autre au niveau des omoplates. Cette stabilisation ferme doit être également répartie à droite, à gauche à l’exemple des « pompes » du sportif. Cela procure un rapport de force équilibré et de la précision pour les mouvements du cou, de la tête, de la bouche qui vont suivre ! Et c’est très important pour un enfant dont on sait que même né en bonne santé et à terme, il lui manque du gainage musculaire !

Imaginez-vous que vous et votre enfant êtes deux pièces d’un puzzle qui s’imbriquent l’une dans l’autre. Dès lors que l’enfant est totalement à l’horizontale ou en oblique, vos corps, vos collines et vallées mutuelles s’épousent harmonieusement. On comprend mieux pourquoi un polochon d’allaitement est utile à condition que l’enfant ne soit pas « dans le trou » ou qu’il n’éloigne pas l’enfant de vous !

La tête chercheuse et la pelleteuse-chargeuse

L’enfant démarre sa séquence de recherche puis de prise du sein en bouche. Il va vouloir développer les mêmes schémas que ceux que nous pouvions voir avec le crawl ; simplement, parce que vous êtes assise droite, vous êtes obligée de maintenir assez fermement votre enfant contre vous. Les réflexes de l’enfant sont restreints, et moins nombreux. Leur manifestation est partiellement modifiée. Ne voyez-vous pas votre bébé « monter », se déplacer vers l’extérieur, « dépasser » votre sein ? Dès le moment où la plante de ses pieds sera en contact avec quelque chose, il s’en servira comme d’un tremplin pour grimper d’un ou deux centimètres. Il aura ainsi tendance à « grimper » trop haut.

Géolocalisation : l’enfant aborde le sein « par en bas »

Votre repère d’installation sera d’amener votre enfant contre vous et d’apporter un maintien. Si vous présentez le mamelon juste devant la bouche du bébé, par réflexe, il risque d’ouvrir la bouche en basculant la tête en arrière et s’énerve, stresse, pleure… Au moment de la prise en bouche, veillez plutôt à ce que son menton touche la partie inférieure de votre sein et que votre mamelon pointe et effleure le sillon sous-nasal (ou philtrum). Il bascule en arrière sans décoller de vous, bouche béante, il rabat alors le haut de son crâne, sa lèvre supérieure se pose sur l’aréole. Vos gestes n’entravent pas sa nuque. Cela n’a rien d’incompatible avec votre main qui, peut-être, soutient votre sein, ou bien qui l’aplatit pour lui donner une forme de « sandwich ».

Le crawl est-il à faire tout au long de l’allaitement ?

Démarrer vos premières tétées, les premiers jours, en position inclinée en arrière, dans l’optique d’un « crawl », c’est ne pas trop se compliquer la vie, éviter une trop grande fatigue, et diminuer les risques de douleur et lésions. Quand vous aurez fait votre apprentissage, vous pourrez tricher en vous asseyant droite sur votre sacrum plutôt que sur vos ischions. Décalez un peu vos fesses, par rapport à l’assise du canapé. Moins inclinée qu’avant peut-être, vous ne serez pas non plus droite comme un « i ». Votre bébé et vous-mêmes serez devenus plus experts dans votre installation personnelle et mutuelle. Une large partie des étapes d’installation initiale aura disparu, vos tâtonnements respectifs également.

Pour vous faciliter la vie, un conseil : n’attendez jamais que votre enfant ait faim pour vous installer. Essayez de privilégier des périodes de peau à peau avec votre enfant qui offre un dialogue accru et touche au mental, au physiologique, au biochimique.

Je conclurai sur une anecdote : la position inclinée en arrière consiste à vous mettre dans une position mi-assise droite, mi allongée à plat dos (ex. : en salle de naissance).  Il y a 18 ans j’avais inventé la position « avachie cool sur le canapé », et on peut trouver cette expression sur des pages web que j’ai rédigées. Mon motif à l’époque, était surtout le confort et la relaxation qui allaient de pair. Il y a une petite dizaine d’année, une sage-femme, Susanne Colson, a réalisé de nombreux travaux sur une position qu’elle a nommé Biological Nurturing®, où l’enfant exprime plus de 20 réflexes de séquence de recherche et de prise en bouche du sein. La mère est inclinée en arrière. Je vous encourage à visiter son site, pour découvrir des photos qui ouvriront le champ de possibles adaptations.

Références :

  • Amiel-Tison, qui a fait des découvertes intéressantes en neurologie pédiatrique, on la retrouve aussi dans les impacts des pratiques autour du travail et de l’accouchement, qui n’a cependant absolument pas vu les implications qu’elles pouvaient avoir en rapport avec l’allaitement au sein, et qui ont partiellement servi de base pour d’autres chercheurs, par rapport à l’allaitement:-)
  • Colson, Suzanne ; Gangal & Baghat (Gold14) ; Genna-Watson, Catherine ; Glover ; Morris & Klein ; Odent,Michel ; Righard & Alade ; Schore, Alan ; Smillie, Christina ; üvnas-Möberg ; Widström

[Auteure] : Françoise Coudray, consultante en lactation IBCLC, formatrice et conférencière, Françoise Coudray est également la présidente fondatrice de l’A.D.J.+

 

2 réflexions sur « Vers la position instinctive de la tétée (le crawl, 2ème partie) »

  1. Article très intéressant, merci ! J’apprécie énormément l’idée de la position “avachie cool sur le canapé” ! Tout devient si simple quand je lis vos explications et vos observations !

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