Et dire que je ne voulais pas allaiter !

Durant leur grossesse, on demande souvent aux mères « Alors, est-ce que tu vas l’allaiter ? » en parlant de leur futur bébé, comme si ce choix d’allaitement ou de non allaitement était forcément une évidence. J’ai eu envie de recueillir le témoignage d’une femme qui n’imaginait pas allaiter son bébé, et qui répondait souvent « jamais de la vie » quand on lui parlait d’allaitement.

Propos recueillis par Leslie Lucien.

LL : Marie, tu es maman d’une petite Bao. Avant d’être mère, te souviens-tu comment tu considérais l’allaitement ?

Marie : Je n’ai pas été un bébé allaité. L’allaitement autour de moi était inexistant. Je crois que je n’avais même jamais vu de mère donner le sein. L’image que j’en avais, c’était que l’allaitement est fait pour les mamans hippies avec des poils sous les bras qui chantent du Tryo au volant de leur camtar*. Bref, j’avais des préjugés. Je n’en connaissais pas l’importance capitale pour le bébé et pour la maman. Pour moi, naïvement, un bébé se nourrissait de lait en poudre, au biberon et puis c’est tout.

LL : Dirais-tu qu’il y’a une chose qui t’a fait changer d’avis ou bien une combinaison de raisons ?

Marie : Deux choses ont permis ce changement, en tout premier, j’ai perdu mon premier bébé à 5 mois de grossesse. Ce fut un véritable traumatisme. J’ai mesuré toute la fragilité d’un bébé et l’importance de lui donner le meilleur. J’ai décidé que puisque personne ne peut anticiper la santé de son enfant alors autant lui assurer ce que l’on a de meilleur. Lors de ma deuxième grossesse pour ma fille Bao, il était donc évident que j’allais nourrir mon bébé au sein, que j’allais prolonger ce lien particulier intra-utérin à l’extra utérin via mon lait.

Et seconde chose, il y a eu mes recherches sur les bienfaits de l’allaitement maternel concernant la santé de l’enfant et de la mère que j’ai reçus comme une véritable gifle. J’ai compris que ce n’était pas une « lubie ». L’allaitement réduit le risque de mort subite du nourrisson, le risque de maladie une fois plus grand ; les anticorps de la mère protègent le bébé et servent les premiers temps de ” premier vaccin” et aussi il réduit le risque de cancer du sein, des ovaires, de l’utérus chez la mère. Je nous assure donc le meilleur en ma possession. Bref, je n’avais pas ces informations auparavant. Cela a été une vraie prise de conscience pour moi. 

LL : Peux-tu partager avec nous les émotions que tu as ressenties lors de la première tétée ?

Marie : Le mot qui me vient c’est : « évidence » ! Ma fille a tété tout de suite. Elle était programmée pour ça. Elle a rampé jusqu’à mon sein et s’est clipsée sur lui simplement. Je peux encore entendre sa respiration et sa déglutition. C’était la vie qui s’opérait à l’extérieur de moi et que j’étais en train de nourrir. Sa chaleur sur ma peau et son air si paisible après un tel voyage éprouvant pour un si petit être, c’était spectaculaire ! Tout semblait oublié. Elle était apaisée, rassurée, alors forcément, je l’étais aussi.

LL : Est-ce que tu dirais que ton allaitement t’a permis d’apprendre des choses sur toi ?


Marie : Oui, tellement ! L’allaitement m’a bien plus appris que ma grossesse. Il m’a appris que j’étais forte, que j’étais puissante ! Je nourris ma fille sans aucun autre besoin. Je l’hydrate et lui remplis l’estomac. Je plaisante souvent en disant « chacun de ses multiples bourrelets, c’est l’accomplissement de mon job de femme ». J’ai ainsi gagné une confiance en moi très forte. Je suis fière de moi, fière de ce choix.

LL : Aujourd’hui,  où en es-tu dans ton allaitement ?

Marie : J’allaite toujours, même si les tétées sont moins fréquentes. On en compte aujourd’hui 4-5 par 24h (sauf en période de poussées dentaires). On vise le sevrage naturel en espérant sous peu réintroduire les protéines de lait de vache dans mon alimentation. Je les avais en effet supprimées en raison d’une intolérance de ma fille, décelée lors ses premiers mois de vie. Je tiens autant qu’elle à cet allaitement mais je reste complètement à son écoute donc tout est possible. Nous verrons ce que Bao décidera.

LL : Quel est ton plus beau souvenir d’allaitement ?

Marie : Je suis tentée de dire tous. Même extenuée durant les nuits les plus difficiles, il y’a toujours eu ce frisson de bonheur quand elle tète. Mais si je n’en choisissais qu’un, ce serait notre tête-à-tête pour son premier Noël, elle avait 6 mois. Au milieu du tumulte et de l’agitation du réveillon, on s’est éclipsées pour la tétée l’une contre l’autre, ses yeux plantés dans les miens qui lui disaient ” Joyeux Noël mon bébé voilà mon plus beau cadeau “. Moment suspendu entre elle et moi avec le tendre regard du papa à côté : on était au cœur du bonheur. D’ailleurs, j’ai envie de partager avec vous cette photo de la tétée de Noël que son papa a su immortaliser 

LL : Quel regard portes-tu aujourd’hui sur la Marie qui ne voulait pas allaiter avant d’avoir Bao ?

Marie : J’ai une certaine peine pour elle, elle ne savait finalement rien. Elle était davantage à l’écoute de la télé et du qu’en-dira-t ‘on que de son propre instinct. Elle serait passée à côté d’une expérience incroyable et bien plus forte selon moi que la grossesse et l’accouchement.

LL : Aurais-tu envie de partager autre chose aux futures mères ?

Marie : Tentez l’aventure juste pour pouvoir dire “je n’aime pas” ! Au pire, ce sera le cas, mais peut-être aussi que ce sera la révélation de votre vie. Je vous le souhaite à toutes. L’allaitement, aussi primaire qu’il puisse paraître, est pour moi, sublime, rempli d’amour et transcendant. On ne donne pas la vie tous jours, alors vivez ce moment inoubliable jusqu’au bout.

Le meilleur conseil que j’ai reçu durant ma grossesse et qui est devenu mon mantra : Ecoute ton cœur de maman“. Écoutez-vous ! Vous êtes incroyablement fortes, vous savez déjà tout, votre corps sait déjà tout, mais vous n’en avez pas encore conscience. 

Et aux mamans allaitantes ou aux futures mamans, appuyez-vous sur les réseaux sociaux. Entre jeunes mamans, jeunes parents, on peut s’y suivre, on forme ainsi une magnifique communauté. On échange, on discute, on partage, on se soutient lors des moments difficiles, on prône la bienveillance, on se fait sourire voire même franchement rigoler ! On est là ! Vous n’avez qu’à cliquer pour vous informer ou trouver une bande de copines avec qui papoter et ne plus vous sentir isolée dans la maternité ! Alors n’hésitez pas l’information et la solidarité sont là.

En effet, pour lutter contre la désinformation et le manque de formation des professionnels, je me suis souvent appuyée sur les réseaux sociaux. Pour moi ce réseau de mamans allaitantes a été une véritable force. J’y ai reçu un soutien en or et des conseils, une remotivation permanente et des projets que l’on met sur pied ensemble avec d’autres mamans allaitantes pour justement lutter contre le manque d’information qui mène souvent à un sevrage précoce.

* NDLR : camionnette

[Auteure] : Propos recueillis par Leslie Lucien

Marie est maman de Bao et interprète en langue des signes. Très active sur les réseaux sociaux, elle anime une page YouTube et un compte Instagram .
Elle a également un site internet : « littlebunbao »https://www.littlebunbao.com/ Crédit photo : Marie

2 réflexions sur « Et dire que je ne voulais pas allaiter ! »

  1. Bonjour,
    Quel beau témoignage. L’allaitement était une évidence pour moi, pour prolonger le lien avec mon bébé, j’avais peur de regretter de ne plus l’avoir dans mon ventre, pour moi seule. Mais c’est vrai que je n’avais pas d’exemple autour de moi… et lors des doutes ou difficultés, j’ai fais de même, je me suis tournée vers les réseaux sociaux et une conseillère en lactation. J’ai trouvé que l’on était pas du tout informée par les professionnels de santé, ou alors on a 2 sons de cloches différents… dur de s’y retrouver.
    Du coup, je n’hésite pas à partager mon expérience et mon savoir à toutes les futures et/ou jeunes mamans !

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