Entérocolite nécrosante, le lait maternel protecteur : comment agit-il ?

Pascale Baugé, notre scientifique nous explique comment le lait maternel protège les bébés de l’entérocolite ulcéro- nécrosante.

On le sait : le lait maternel agit de façon efficace dans la protection contre les maladies chez les enfants allaités mais aussi les adultes qu’ils deviendront. Par exemple, les enfants allaités sont généralement protégés contre les problèmes d’inflammation de l’intestin et notamment l’entérocolite nécrosante. Plusieurs études ont montré que son incidence et sa sévérité sont moindres chez le nourrisson allaité.


Qu’est-ce que l’entérocolite nécrosante ?


Cette maladie est liée à une cascade inflammatoire au niveau de l’intestin au cours de laquelle un grand nombre de molécules très réactives et donc agressives apparaissent : c’est en quelque sorte une réaction d’inflammation excessive qui endommage irrémédiablement les cellules de l’intestin et peut même conduire à une issue fatale.
Parmi d’autres facteurs, elle apparaît plus souvent chez les enfants prématurés de petits poids lorsque l’intestin est encore très immature et moins armés pour lutter contre les pathogènes.

Les enfants allaités sont moins touchés, c’est un fait très bien établi mais on a longtemps cherché à comprendre quel était le composant du lait maternel qui jouait un rôle clé dans la protection contre les maladies de l’intestin.

Quelle molécule active dans le lait maternel par rapport à cette maladie ?
Les regards et les études se sont portés sur la lactoferrine, une protéine du lait qui se lie au fer. Il a été prouvé qu’elle était impliquée dans de nombreux processus physiologiques, qu’elle avait une action anti-inflammatoire et jouait un rôle dans le système immunitaire.
La lactoferrine est très présente dans le lait humain (comme dans celui des autres primates), notamment dans le colostrum (5 à 6 mg/l contre 0,83 mg/l dans le lait de vache). De plus, elle est assez faiblement saturée en fer : elle a donc une forte activité une fois dans l’intestin de l’enfant.

Sur quels plans agit-elle exactement ?


La lactoferrine agit sur plusieurs plans
. En voici quelques-uns explicités.

En effet, la molécule de lactoferrine présente dans le lait maternel n’est pas saturée en fer, et peut donc en piéger. En se liant au fer, la molécule diminue les nutriments utiles pour le développement des bactéries. Privées de fer, la croissance bactérienne est inhibée.

Un autre mode d’action est qu’une des extrémités de la molécule peut se lier à la membrane de la paroi cellulaire des bactéries. Elles sont ainsi affaiblies et plus sensibles aux autres moyens d’action du système immunitaire.

Mais ce n’est pas tout !

Dans le processus qui se met en place dans la maladie de l’entérocolite nécrosante, une protéine joue un rôle majeur : c’est la NF-kB. Des recherches ont montré que l’intestin se nécrose à cause d’une teneur élevée en NF-kB. Son rôle est de réguler la recopie des informations données par des gènes impliqués dans la réponse immunitaire et la réponse inflammatoire.

Or, il a été montré que le lait maternel inhibait l’activation de cette protéine NF-kB, via la présence de la lactoferrine.

Dans les grandes lignes, le mécanisme est le suivant. La lactoferrine se lie à des portions d’ADN des bactéries pathogènes mais pas n’importe lesquelles : il s’agit de celles qui activent la réponse immunitaire en excès. En se liant ainsi, la lactoferrine masque les gènes qui ne s’exprimeront pas. Le processus de sur-inflammation en réponse à des bactéries pathogènes ne se met pas en place, les cellules intestinales sont donc préservées.


Conclusion



La lactoferrine présente dans le lait maternel et particulièrement dans le colostrum agit sur plusieurs tableaux pour protéger le nourrisson de l’inflammation de l’intestin immature :
– par association avec le fer pour limiter cet élément utile aux bactéries pathogènes,
– par association avec la membrane des bactéries, alors affaiblies et plus sensibles aux autres moyens d’action du système immunitaire,
– par modification génétique au sein du pathogène : la voie d’action déclenchant l’inflammation n’est pas activée et les cellules intestinales ne sont pas agressées.

Tout cela permet de comprendre une fois encore toute l’importance d’encourager les mamans à allaiter leur bébé, d’autant plus s’il est prématuré ou de petit poids…

Références

Pandita A. et al., “Lactoferrin and Its Role in Neonatology: A Review Article”, Journal of Pediatrics and Neonatal Care, 2015

“A Review of the Immunomodulating Components of Maternal Breast Milk and Protection Against Necrotizing Enterocolitis”, Nutrients, 2020

Mulligan P. et al.,  « Breast Milk Lactoferrin Regulates Gene Expression by Binding Bacterial DNA CpG Motifs But Not Genomic DNA Promoters in Model Intestinal Cells », Pediatric Research, 2006

Queiroz VA et al., « Protective effect of human lactoferrin in the gastrointestinal tract », Rev Paul ista Pediatria, 2013

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