Le lait humain est riche en une molécule anti-cancéreuse (point sur HAMLET)

Connaissez-vous HAMLET ? Non, il ne s’agit pas ici de l’œuvre de W. Shakespeare mais d’une molécule bien particulière : elle détruit sélectivement les cellules cancéreuses et elle se trouve dans le lait maternel. Voici quelques résultats des études ayant porté sur ce sujet et leurs principales conclusions.

Des preuves épidémiologiques [1, 2] (en 2008 et plus récemment en 2015) mettent en évidence que l’allaitement, lorsqu’il est mené pendant 6 mois et plus, protège l’enfant contre le développement de certaines tumeurs malignes notamment pour les cas de lymphomes [1](ceux-ci sont liés au système immunitaire) mais aussi pour la leucémie dont l’incidence n’est pas négligeable d’autant plus qu’elle augmente sensiblement chaque année (notamment grâce à un meilleur diagnostic).

Ceci suggère que certains éléments présents dans le lait humain aident non seulement à optimiser le développement du système de défense mais peuvent aussi réguler celui des cellules et empêcher l’apparition de tumeurs.

En 1995, une découverte importante vient corroborer ces hypothèses. Plusieurs équipes suédoises montrent que le lait humain contient un cocktail spécifique associant une protéine appelée « alpha-lactalbumine » dans une configuration particulière et des chaînes d’acide gras : une sorte de molécule complexe « protéine-lipide ». Cette association nommée HAMLET (qui signifie « Human Alpha-lactalbumine Made lethal to Tumor cell ») a la capacité de tuer les cellules cancéreuses et préserve les cellules saines.

Comment agit HAMLET ? Les recherches ont mis en évidence que les cellules tumorales meurent par apoptose : il s’agit d’un programme normalement prévu dans chaque organisme consistant à mettre à mort des cellules malsaines ou anormales.

Plus d’une soixantaine de tumeurs (cultures dans différents tissus) ont été testées : toutes (dont gliomes, leucémie, cancer poumon) s’avèrent sensibles à HAMLET. Des essais in VIVO [3] sur une dizaine de patients avaient montré d’excellents résultats en 2007: par exemple la réduction de la taille d’une tumeur de la vessie.

Depuis la découverte de la molécule, les scientifiques cherchent à comprendre comment HAMLET agit exactement. Tous les mécanismes mis en jeu ne sont pas encore entièrement élucidés mais on commence à voir où sont localisés les champs de bataille. Il semblerait qu’HAMLET joue sur plusieurs plans en profitant des spécificités métaboliques des cellules cancéreuses. 

Elle bloque par exemple la respiration cellulaire en s’attaquant aux membranes des structures dédiées à la récupération d’énergie ; ceci déclenche comme effet secondaire l’apoptose.

HAMLET s’attaque aussi aux filaments des cellules [4]. Ceux-ci assurent la cohésion et jouent sur la morphologie. Ainsi, par l’action d’HAMLET, les cellules perdent leur capacité à adhérer à un support et se « détachent ».

HAMLET se charge aussi d’inhiber les enzymes assurant le service d’ordre par l’élimination des intrus. HAMLET assure ainsi sa propre survie pour continuer son travail destructeur des cellules malignes.

Mais cela va encore plus loin au sein de la cellule puisqu’HAMLET, au niveau du noyau, désorganise l’ADN ce qui rend impossible la division cellulaire.

Cette molécule a donc plus d’un tour dans son sac pour éliminer les cellules cancéreuses : les mécanismes d’actions mis en jeu sont multiples et complexes même si bon nombre d’entre eux doivent encore être élucidés. Mais le fait est là : HAMLET, ainsi que d’autres facteurs bénéfiques associés à l’allaitement contribue à diminuer les risques de cancer chez l’enfant [1] (même si son incidence reste rare, il s’agit néanmoins d’une des premières causes de mortalité chez l’enfant et l’adolescent dans les pays développés).

Références :

[1] Davis MK et al.,   « Review of the evidence for an association between infant feeding and childhood cancer. » Int J Cancer Suppl, Vol 11, 1998

[2] Amitay E. L. et al., « Breastfeeding and Childhood Leukemia Incidence – A Meta-analysis and Systematic Review », JAMA Pediatr., Vol 169 (6), 2015

[3] Mossberg AK et al., « Bladder cancers respond to intravesical instillation of HAMLET » International Journal of Cancer, Vol 121(6), 2007

[4] Trulsson M et al., « HAMLET Binding to α-Actinin Facilitates Tumor Cell Detachment » PLoS ONE 6(3), 2011

[Auteure] : Pascale Baugé

[Biographie] : De formation scientifique (docteur-ingénieur en génie des procédés), Pascale est très investie dans le monde des sciences en général.

A la naissance de son premier enfant, elle découvre l’allaitement avec bonheur mais se heurte aussi à quelques difficultés. Depuis, elle a eu deux autres enfants, allaités longuement, et n’a de cesse de fouiller la littérature scientifique et de diffuser l’état des dernières connaissances sur l’allaitement maternel. Elle anime le blog “Allaitement, bonheur et raison” .

8 réflexions sur « Le lait humain est riche en une molécule anti-cancéreuse (point sur HAMLET) »

    1. Bonjour
      Non pas du tout, pour l’instant on la découvre et on analyse toutes ses fonctions. Je ne sais ps si elle pourra l’être un jour…

    1. Bonjour
      En France, vous ne trouverez pas de lait maternel à la vente aux particuliers.
      Concernant cette protéine pour l’instant, elle reste dans le domaine expérimental, les recherches sont encore en cours

  1. Bonjour, j’allaite actuellement mon enfant, si je donne de mon lait à un proche atteint d’un cancer est-ce-que ça peut l’aider ?

    1. Bonjour,

      Je ne peux pas vous répondre pour le moment, les recherches sont en cours. Ce que l’on sait c’est que ça ne peut pas faire de mal. De plus, on ne connait pas du tout les quantités minimum ou maximum.
      Faites comme vous le sentez tous les deux.
      Bon courage à vous

  2. Bonjour, avez vous eu plus de réponse concernant les biens fait sur le lait maternelle et quelle est la quantité à donner et pendant combien de temps.

    Merci pour votre réponse

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